Toujours aussi étroite, aussi bosselée, la route de Ravoire ! A force de prudence et de courtoisie entre automobilistes, on parvient tout de même à se hisser sur ce belvédère merveilleux qui mériterait mieux, depuis longtemps, que cet accès inconfortable, pour ne pas dire dangereux. Aussi est-ce avec un profond soupir de soulagement que, passé le fameux « contour » en amont du Robinson, l’on s’engage sur un tronçon goudronné. C’est celui — privé — qui conduit à la colonie de vacances de Martigny, dont le bâtiment, frappé sur une façade du lion d’Octodure, se dresse face à la pente comme un oiseau de noble envergure prêt à prendre son vol vers la vallée. Suivons donc cette chaussée goudronnée : elle nous conduit à la grande place de la colonie, bordée par la forêt, où nous attend M. Gaston Moret, instituteur à Martigny-Bourg, directeur, qui a bien voulu nous accorder quelques minutes pour nous piloter à travers les locaux et répondre à nos questions. Nous le remercions d’emblée pour son accueil très amical qui nous permet d’apporter, par ce reportage, des renseignements intéressants sur la vie de cette colonie où tout respire la lumière, l’ordre, la joie de vivre. Nous arrivons au moment où sonne une cloche annonçant l’heure de la sieste. Les filles — qui sont actuellement pensionnaires de la colonie, les garçons ayant terminé leur mois de séjour — lâchent poupées, jeux, parties de causette sous les arbres, pour se rendre au dortoir. Cette sieste n’est peut-être pas uniformément appréciée, mais elle s’impose comme une cure tonique au milieu d’une exubérante journée. M. Moret nous fait visiter les dortoirs spacieux, largement aérés, la salle à manger ,la cuisine, la salle de jeux, les douches, la lingerie et toutes les installations de cette construction réalisée en 1955 et ouverte aux enfants dès 1956. Tout y est à la mesure d’un souci constant d’utile et d’agréable pour les pensionnaires. Certains parents craignent peut-être encore ce qu’ils appellent le « collectivisme » des colonies. Qu’ils se rassurent : à Ravoire, la personnalité de chacun est hautement respectée. On a même évité les numéros, sur les casiers personnels, les lits, les, armoires, pour les remplacer par de charmants dessins d’animaux ou de choses. On chercherait en vain également, dans cette colonie, des rappels de caserne ou de pensionnat. Les hauts-parleurs disposés dans le dortoir, par exemple, ne servent pas à transmettre le brutal « diane, debout » d’un sergent major, mais bien une agréable musique au son de laquelle les enfants s’éveillent tranquillement, heureux d’avoir devant eux une nouvelle et magnifique journée de vacances passée à jouer, à se promener en forêt et même, une fois ou l’autre, à entreprendre de longues excursions jusqu’aux glaciers. Et à dévorer de bien bonnes choses aussi ! Il faut dire que l’appétit ne manque pas à ces jeunes pensionnaires ! L’exercice et le grand air sont pour eux une merveilleuse médecine et c’est un vrai plaisir que de les voir à table, pétillants de bonne humeur, faisant le plus grand honneur aux plats que mijotent dans leur domaine Mme Louise Vouittoz et Mlle Ange-Marie Voide. En ce qui concerne la santé morale, le père Arthur Aëschlimann, aumônier de la colonie, y veille avec un dévouement remarquable. Fait à souligner également, le linge est blanchi à la colonie même, qui dispose d’une grande machine à laver. Mme Hélène Meillard est seule maître à bord de ce domaine où le travail ne manque pas ! L’initiative de « l’ordre du jour » incombe bien entendu au directeur Moret. Il est entouré de trois monitrices, Mlles Françoise Berthousoz de Conthey, Marcelle Cheseaux de Saillon, et Anne-Marie Couchepin de MartignyBourg, qui ont à s’occuper de tout ce petit monde. On ne saurait assez remercier cette équipe dirigeante de Ravoire pour son dévouement, son dynamisme, son amour des enfants. Les parents peuvent dormir sur leur deux oreilles en lui faisant entière confiance.
Générosité avant tout
Calculé au plus juste, sans même tenir compte des importants dons en nature des commerçants martignerains, qui soulagent considérablement la caisse de l’ordinaire ,le prix de revient d’une journée à la colonie voisine 5 frs. Or, aucune finance d’inscription n’atteint ce chiffre. Les parents paient de 50 centimes — la plupart — à 4 frs — l’exception — par jour pour le logement, la nourriture, le blanchissage et la distraction surveillée et organisée de leurs enfants. On se rend compte immédiatement que le « manco » doit être comblé par d’autres moyens. En fait, ils relèvent tous d’une générosité qu’il convient de souligner. C’est un comité, présidé par M. Roger Moret, de Martigny, qui prit sur lui de faire construire la colonie de Ravoire en 1955. Actuellement, ce comité est formé de MM. Jean Actis, président, Lucien Tornay, vice-président, Georges Roduit, secrétaire, Georges Moret, caissier, Mme Fernand Germanier, MM. Gaston Delez, Pierre Franc, Denis Puippe et Rémy Saudan, membres. Les communes de Martigny-Bourg et de Martigny-Ville ont donné leur garantie et paient les intérêts hypothécaires de la colonie. L’entretien et l’exploitation sont couverts par l’organisation de lotos, des dons et des cartes de membres. C’est grâce à toute cette générosité que la colonie peut offrir des journées à 50 ct. pour un prix de revient de 5 fr. et plus. Ajoutons aussi l’extrême compréhension du personnel qui, à Ravoire, travaille beaucoup plus par vocation que par intérêt pécunier ! Cette année, on est arrivé à héberger 86 garçons pendant un mois à Ravoire. Les filles qui s’y trouvent actuellement resteront à la colonie jusqu’au 28 août.
Vues d’avenir
Après avoir visité la colonie et pris congé de M. Moret, que nous remercions encore pour sa gentillesse, nous sommes allé trouver le président du comité, M. Jean Actis. Car c’est bien beau de constater que tout va bien, encore faut-il savoir comment on s’y prend, du côté de l’administration, pour arriver à ce résultat ! M. Actis nous confirme que la générosité des communes et celle du public fréquentant les lotos, offrant des dons en espèces ou en nature ou achetant des cartes de membre sont les seules recettes de l’institution. La préoccupation logique du comité est d’arriver à utiliser davantage le bâ- timent de Ravoire. Une construction d’un demi-million devrait pouvoir servir mieux encore à la communauté. Parmi les diverses suggestions recueillies à ce propos, celle de l’organisation de classes d’hiver est à retenir. A peu de frais, on pourrait faire profiter de telles classes les élèves du Bourg et de la Ville, par rotation de 15 jours par exemple. Ce serait tout profit pour les enfants et ce système demeurerait dans la ligne que lui ont donnée les initiateurs. Ces vues sur l’avenir, généreuses et hautement profitables aussi bien à l’instruction qu’à la santé physique et morale des enfants, prouvent la compétence d’un comité ayant fait sienne la devise : servir. Il ne fait aucun doute que le public martignerain accueillerait avec grande faveur cette innovation et consentirait un petit sacrifice financier en faveur de cette solution, sacrifice bien minime en regard des bienfaits dont profiteraient tous les enfants martignerains.
Gérald Rudaz.